Les soins par les plantes se sont considérablement développés au cours de ces dernières décennies. Elles occupent désormais une belle place dans notre arsenal thérapeutique. Pour autant, la production de plantes médicinales n’est pas épargnée par les effets du changement climatique, la chute de la biodiversité ou encore l’augmentation de la population mondiale et de ses besoins de soins. La question d’une juste utilisation des ressources se pose donc aussi dans le domaine de la santé.
La phytothérapie écoresponsable
La notion de phytothérapie écoresponsable est explicitée et développée par le Dr Aline Mercan. Médecin phytothérapeute et anthropologue, elle a écrit un ouvrage intitulé : « Manuel de phytothérapie écoresponsable ». Qualifié par ses soins de « pavé dans la mare », il nous invite à réfléchir à notre rapport au monde végétal. Plus concrètement, il questionne nos pratiques à tous niveaux : culture, cueillette, fabrication, commercialisation, prescription, consommation.
Nous ne pouvons plus continuer à exploiter les ressources mondiales en plantes médicinales de manière aussi captatrice et non raisonnée. C’est un sujet toutefois complexe et délicat. Dans de nombreuses régions du globe, la récolte de plantes médicinales (avec ou sans culture) est une source de revenus indispensables pour les populations locales.
Aromathérapie et écologie : quel impact ?
En termes de production, l’aromathérapie est très gourmande en énergie, notamment en bois de chauffe. Ainsi, elle participe à la déforestation de pays déjà touchés par ce phénomène par ailleurs. Pour certaines plantes, les rendements de distillations sont également très faibles et nécessitent des volumes de matières premières conséquents. Le sujet de l’aromathérapie et de son impact sur l’écologie doit engendrer de réels questionnements.
Les huiles essentielles sont composées de molécules qui ne constituent qu’une partie de tous les composés d’une plante. Il ne s’agit donc pas du totum de la plante comme certains se plaisent à le dire. Ainsi, la distillation, ne permettant de recueillir que la fraction volatile d’une plante aromatique, peut nous priver d’autres molécules très intéressantes sur le plan thérapeutique. Une « simple » tisane est parfois aussi très efficace, et sera moins couteuse en énergie et matière première.
Le marché de l’aromathérapie s’est complètement mondialisé depuis plusieurs années. Aujourd’hui, sa pratique « met en danger les plantes qu’elle est censée valoriser ».
Quels comportements adopter pour contribuer à protéger le patrimoine médicinal mondial ?
Lors de nos achats d’huiles essentielles, privilégier des produits issus de filières courtes, provenant de l’agriculture biologique, avec une réelle éthique de la culture à la distillation et une bonne traçabilité. Il n’est par ailleurs pas simple de s’y retrouver dans la jungle des labels et certifications : bien s’informer est capital.
Certaines huiles essentielles sont produites à partir d’espèces clairement surexploitées (Bois de rose, Cèdre de l’Atlas, Santal blanc, Saro…). Il faut au maximum les substituer par d’autres huiles essentielles non concernées par ce problème de surexploitation. Ou bien, les remplacer par des plantes de phytothérapie classique.
Nombre d’entre elles proviennent de plantes qui poussent loin de nos terroirs européens. Aussi magnifique soient – elles, il est de nombreux contextes où l’on peut utiliser aussi des huiles essentielles issues des plantes de notre pharmacopée, comme par exemple celles de Cyprès, Laurier noble, Lavande fine, Menthes, Petit grain bigarade, Romarins… Pensez à cette alternative.
Réfléchir à nos approches thérapeutiques en aromathérapie
Pour pratiquer une aromathérapie responsable, limiter si possible l’utilisation des huiles essentielles à des contextes où les alternatives en phytothérapie traditionnelle sont peu nombreuses. C’est le cas pour l’assainissement de l’air, certains états infectieux, la gestion de la douleur, les problèmes cutanés, certains troubles digestifs.
Certaines pratiques, qui consistent à les utiliser pures par voie cutanée, devraient être revues. En thérapeutique, il est possible d’obtenir des résultats très satisfaisants avec des dilutions parfois très faibles (2 à 3%), voire en ayant recours uniquement à la voie olfactive, ce qui économise de la matière première. Ou alors, penser éventuellement aux hydrolats, produits en très grandes quantités comparativement aux volumes d’huiles essentielles recueillies.
Les huiles essentielles sont très concentrées et d’un usage beaucoup plus récent par rapport à la phytothérapie traditionnelle. C’est pourquoi, une réelle vigilance est nécessaire au niveau de leur utilisation quel que soit le domaine concerné (santé, cuisine, environnement…).
L’éthique à avoir pour faire rimer aromathérapie et écologie
Recourir aux plantes pour se soigner, sans réfléchir en amont à son hygiène de vie, a peu de sens. L’utilisation de la phytothérapie doit s’inscrire dans une prise en charge plus globale de la santé. Revoir son alimentation, pratiquer régulièrement une activité physique, être attentif à son état émotionnel, à la gestion du stress permet également de limiter le recours excessif (et parfois un peu magique) aux plantes médicinales. Mettons dès aujourd’hui en pratique cette approche responsable de la phytothérapie pour contribuer à sauvegarder notre patrimoine médicinal mondial et ainsi « se soigner sans piller la planète » !
Référence : Mercan A. (2021), Manuel de phytothérapie écoresponsable, Terre vivante